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Pourquoi des infirmières choisissent les chantiers plutôt que les soins

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Je suis infirmière depuis 1987. J’ai fondé ASICC-MED en pleine crise sanitaire en 1992, et j’ai traversé la vague de départs à la retraite de 1995.

Mais ce que je vois aujourd’hui est d’une nature radicalement différente.

🔁 De la planification stratégique à la fuite du système

En 1995, nous encouragions les infirmières en fin de carrière à partir plus tôt, pour faire place aux nouvelles diplômées dans un marché saturé. C’était de la gestion prévisionnelle des effectifs.

Aujourd’hui, des infirmières hautement qualifiées en obstétrique choisissent les bureaux administratifs ou les chantiers de construction… plutôt que les unités de soins.

Ce simple fait révèle l’ampleur de ce qui ne fonctionne plus.

❌ Le vrai problème n’est pas l’épuisement

On parle beaucoup de « burnout ». Mais ce n’est pas la fatigue qui pousse les infirmières à partir. C’est l’impossibilité de faire leur métier.

Les chercheurs appellent cela une blessure morale : celle de savoir ce dont un patient a besoin… et de ne pas pouvoir le lui offrir.

Chaque jour, les infirmières affrontent des charges de travail intenables, des heures supplémentaires imposées, des lacunes dans la coordination des soins. Elles voient des chirurgies entassées sur 11 heures alors qu’un étalement sur 24 heures serait plus humain. Et quand elles proposent des solutions, on ne les écoute pas.

Ce n’est pas le travail qui les épuise. C’est l’impossibilité de prodiguer des soins dignes.

🚪 Où vont les infirmières ?

Elles ne quittent pas la santé. Elles fuient les environnements où elles n’ont aucun pouvoir d’agir.

Fin 2021, on observait une hausse de 38 % des départs vers des secteurs non médicaux. Beaucoup se tournent vers l’administration, les soins à domicile, la podologie, la formation en RCR… ou même la construction.

Certaines changent de province ou de pays. D’autres quittent la profession.

Ce qu’elles fuient : la politique interne, le manque de respect, les charges écrasantes, l’absence de contrôle sur leur horaire, et l’impossibilité de respecter leurs propres standards de qualité.

Chez ASICC-MED, la première chose qu’elles me disent, c’est qu’elles peuvent enfin « choisir leurs batailles ». Choisir leur milieu. Partir quand l’environnement devient toxique.

📉 Le piège des indicateurs

Trop de gestionnaires n’ont jamais exercé comme infirmiers. Ils croient que les indicateurs de performance (KPI) suffisent à gérer les soins.

Mais cette logique détruit le jugement clinique et empêche les interventions adéquates.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un ratio de 8 patients par infirmière augmente de 31 % le risque de décès postopératoire dans les 30 jours. Le ratio optimal ? 4:1.

La solution est simple : écouter les soignants. Humaniser les charges. Redonner du temps pour soigner.

Mais après 30 ans d’observation, je doute que les hôpitaux traditionnels changent avant d’avoir perdu une génération entière d’infirmières.

🤖 Ce qui nous attend

Ma prédiction est brutale : les infirmières seront remplacées par des robots. Les chirurgiens aussi. Les tâches techniques seront automatisées.

Et les soins humains disparaîtront des milieux traditionnels.

Mais tant que je dirigerai ASICC-MED, je continuerai à placer des infirmières dans des unités mobiles et des soins à domicile. Des milieux où elles peuvent adapter leur rythme, créer des liens thérapeutiques, collecter des données et ajuster les soins.

C’est une contre-offensive face à ce qui s’en vient. Mais il faut bien que certains d’entre nous défendent encore ce que le métier d’infirmière était censé être.

Parce que quand les infirmières ne peuvent plus choisir leurs batailles… ce sont les patients qui perdent la guerre.


 
 
 

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